Nouvelles internationales
LE MONDE EST MA PAROISSE
Diversité de réactions après
la formation de la coalition gouvernementale de droite / extrême-droite
en Autriche
La coalition entre démocrates-chrétiens
et extrême-droite suscite des réactions contrastées.
L'évêque catholique de Vienne n'a pas explicitement
condamné la formation de cette coalition. Il invite seulement
à juger ce nouveau gouvernement sur ses actions futures.
"Chaque gouvernement a le droit d'être jugé
sur ses actes. Cela vaut aussi pour ce gouvernement".
La direction de l'Église protestante en Autriche
s'est exprimée également avec une très grande
prudence. Le Conseil supérieur de l'Église s'est
d'abord déclaré "inquiet de ce qui peut
se passer dans le pays", mais accepte "la formation
d'un gouvernement légitimé démocratiquement".
Les chrétiens évangéliques fédérés
dans le cadre de l'Alliance Évangélique adoptent
une position semblable à cet évêque catholique
comme à ces dirigeants protestants: ils souhaitent qu'on
donne au nouveau gouvernement l'occasion de faire ses preuves,
"qu'il fasse une bonne politique pour le bien de tout
le peuple". En réalité, les Évangéliques
d'Autriche ont de la peine à percevoir le danger que représente
HAIDER. Ils protestent contre la diffamation dont leur pays fait
l'objet: à leurs yeux, l'Autriche est à tort décrié
comme un "pays nazi", pensent-ils, rappelant
au passage que jusqu'ici la justice du pays a durement réprimé
toute provocation nazie et que jusqu'ici l'Autriche n'a pas failli
non plus à son devoir d'hospitalité vis-à-vis
des étrangers, surtout pendant la guerre des Balkans.
Le service diaconal de l'Église protestante
d'Autriche redoute que le gouvernement mis en place exécute
son programme d'intégration, comprenant à ses yeux
"des côtés inhumains". Ainsi il
n'est pas question dans ce programme des 70 % des demandeurs
d'asile ne touchant aucune aide de l'État et se trouvant
"jetés à la rue sans aucune perspective".
Pour le professeur de Théologie Réformée
Ulrich KOERTNER (Vienne), la formation du nouveau gouvernement
autrichien n'a rien d'une alternance démocratiquement
légitime. Elle ébranle la république jusque
dans ses fondements moraux et spirituels. Quand un parti se réclamant
de valeurs chrétiennes conclut une coalition avec un parti,
"dont le président a été condamné
par le Parlement Européen en raison de ses déclarations
xénophobes et racistes", alors prime "un
régime d'exception spirituel et moral ".
Le Comité du Conseil Oecuménique des
Églises en Autriche (OeRKOe) - dont l'Église Évangélique
Méthodiste fait partie - abonde dans ce sens: déjà,
il tonne contre des décisions influencées par la
xénophobie et en appelle à résister au "poison
du racisme et de l'intolérance", ainsi qu'à
la peur de l'étranger. Les Églises autrichiennes,
rappelant les valeurs de l'Évangile, plaident pour "une
société juste, ouverte et humaine" et
s'opposeront de façon décidée à toute
accusation générale contre un groupe de population
et à toute discrimination religieuse et raciale.
Même son de cloches du côté de l'Action
Catholique autrichienne (KAOe): cette organisation voit des "signes
menaçants" en matière de politique à
l'égard des étrangers. Pour l'Action Catholique,
conservateurs et extrême-droite se sont mis d'accord sur
des quotas d'immigration, ce qui revient "de facto à
une immigration zéro". Les militants catholiques
craignent également un durcissement en matière
d'asile et lancent un appel à la vigilance du côté
des organisations de défense des droits de l'homme.
Dans son ensemble, la famille protestante s'inquiète
donc de l'évolution de la situation et sort de son mutisme:
"l'Église en tant que telle ne devrait pas rester
silencieuse dès lors que la politique en place suscite
la peur et fait reculer la solidarité dans la société.
Aussi nous engagerons-nous en toute modestie contre le racisme
et la xénophobie, contre le démantèlement
social renforcé massivement et contre toute forme d'antisémitisme.
Nous élèverons notre voix dès lors que la
politique met en cause sa responsabilité en matière
de dignité humaine et de droits de l'homme",
ainsi s'expriment plusieurs représentants des Églises.
Ils appellent tous les responsables politiques à être
"fair-play" et à adopter un langage qui
"prenne en compte les règles du jeu d'une société
civilisée". Cette dernière déclaration
était signée entre autres par la surintendante
Gertraud KNOLL (Eisenstadt), qui s'était portée
candidate en 1998 pour le poste de chancelier d'Autriche, par
l'évêque de l'Église Vieux-Catholique, Bernhard
HEITZ, et par le surintendant de l'Église Méthodiste,
le pasteur Helmut NAUSNER (tous les deux de Vienne).
Ce dernier a par ailleurs dressé un portrait
sans concession du leader populiste Jorg HAIDER: "C'est
un nouveau genre de politicien - intelligent et dangereux ".
Et d'ajouter: "Je suis le pasteur d'une Église
comptant des ressortissants de beaucoup de nations. C'est la
raison pour laquelle nous nous sentons toujours très gênés
quand les populistes jouent dans leur argumentation avec les
sentiments et les peurs des gens en les retournant contre les
étrangers. Pour HAIDER, tout ce qui peut lui rapporter
des voix est bon à prendre. Je travaille souvent pour
notre Église en Europe de l'Est et suis convaincu que
l'ouverture de l'Union Européenne à l'Est est la
condition nécessaire à la stabilité de cette
région. HAIDER n'a pas cessé de faire des déclarations
véhémentes contre nos voisins d'Europe de l'Est."
Wilfried NAUSNER ne croit pas que le président du FPOe
comprenne la problématique du monde d'aujourd'hui. "Il
comprend ce que les gens veulent et redoutent dans les bistrots,
les magasins et les associations mais il leur présente
des idées et des solutions simplistes pour l'avenir. D'un
côté, il est habile et maîtrise le jeu politique,
d'un autre côté il est bête et ne comprend
pas le monde où nous vivons."
Nous avons toutes les raisons du monde pour garder
l'oeil ouvert. Veillez et priez... Un homme averti en
vaut deux !
Synthèse réalisée
à partir d'EEMNI.
Jean-Philippe WAECHTER