JUIN
2003
LE
MONDE EST MA PAROISSE
Le christianisme
de conversion est de retour
La fréquentation des
lieux de culte est en hausse le jour de Pâques, rapportent
en choeur les médias. L'Église Catholique a procédé
à 2 374 baptêmes rien que dans la région
parisienne, signe d'un regain de vitalité certain. Le
christianisme est de nos jours moins une affaire de traditions
que d'engagement personnel, comme l'admet sans peine le cardinal
Jean-Marie LUSTIGER: «Aujourd'hui, pour pratiquer, il
faut le vouloir et le choisir fortement». L'homme de
foi rejoint ainsi l'analyse pointue de la sociologue des religions
Danièle HERVIEU-LÉGER, auteur du livre Catholicisme,
la fin d'un monde: «Une religion du choix supplante
la religion de l'obligation».
Dans un article fort documenté du journal «Le
Monde» (21 avril, «Pâques : entre ombres
et lumière» paru dans l'édition du 22/4/03),
Henri TINCQ souligne comme un fait de société majeur
en ce 21e siècle le passage «d'un christianisme
d'héritage - dans lequel la foi se transmettait par la
famille et un enseignement religieux actif - à un christianisme
de choix personnel, de " conversion " »;
cette évolution sociale tient d'un paradoxe, quand on
sait l'état de déchristianisation avancé
de notre pays que reflète le sondage de «La Vie
/ Le Monde» d'avril 2003.
Le méthodisme historique n'est pas étranger à
cette nouvelle perception du christianisme, signale le journaliste
Henri TINCQ:
«Ce n'est certes pas nouveau. Dans la sphère
protestante - par exemple autour d'un John WESLEY (1703-1791),
fondateur du méthodisme, qui croyait à la conversion
comme phénomène spectaculaire et non comme processus
lent - comme dans la sphère catholique, pensons à
PÉGUY, CLAUDEL, FOUCAULD, PSICHARI, MARITAIN. Le christianisme
de conversion est de toutes les époques. Les sociologues
et philosophes en situent l'origine dans les incertitudes liées
à des dépressions économiques profondes,
à l'anonymat de la vie urbaine, au désert des références
spirituelles, aux paniques alimentaires, aux menaces de terrorisme,
d'épidémies, etc.
La conversion semble devenue le mode le plus courant d'identification
religieuse. Par elle, l'individu s'approprie une identité
et une tradition. Elle n'écarte pas toute filiation et,
aux États-Unis, on peut être «born again christian»
(chrétien né de nouveau) tout en restant dans sa
tradition d'origine, méthodiste, presbytérienne,
baptiste ou catholique. Mais dans le cas de la conversion, l'appartenance
religieuse se construit sur un choix personnel, sur une approche
directe et littérale des Écritures (la Bible),
sur l'entrée dans un groupe de " fraternité
élective " (Danièle HERVIEU-LÉGER).»
Cette mue du christianisme profite actuellement aux Églises
historiques tant Catholique que Protestantes. Ces nouveaux croyants
rejoignent souvent l'Église Catholique par le biais des
groupes charismatiques. Au sein du protestantisme ne cesse de
monter en puissance l'aile évangélique qu'Henri
TINCQ décrit comme étant «parfois débridée»
et en sérieuse concurrence avec les Églises Luthérienne
et Réformée «sages et affaiblies».
Henri TINCQ précise alors la nature
de cet apport des néophytes: «Catholiques ou
protestants, ces convertis donnent le ton à un christianisme
décomplexé, plus visible et festif. Ils expriment
la soif d'une Parole divine libérée des médiations
traditionnelles (clergé), d'une revivification de la foi
par la prière. C'est le primat donné à l'expérience
personnelle de Dieu, à la relation d'intimité avec
le Christ, à la recherche de la sainteté et de
la vie fraternelle. C'est l'irruption de l'inconnu dans un paysage
de paroisses chrétiennes souvent sclérosées,
désertées, de mouvements militants en déclin,
d'ordres religieux dont certains se renouvellent (dominicains)
mais où d'autres sont au bord de l'épuisement.»
Le chroniqueur religieux du quotidien du soir se demande alors
si ce christianisme de conversion aujourd'hui en vogue représente
une chance pour les Églises de demain ou une catastrophe.
De deux choses l'une, soit ce christianisme de conversion identifie
le salut du monde à l'Amérique et alors c'est la
pire des choses, soit «ce néo-christianisme permet
de guérir des individus, leur donne (ou redonne) une identité,
leur fait découvrir (ou redécouvrir) une tradition.»
A ses yeux, il n'est pas exclu que les Églises historiques
profitent de cette redécouverte du christianisme de conversion
: «C'est un avenir possible, s'il est régulé,
canalisé, ce que tentent de faire en France, chacun à
sa manière, la Fédération Protestante et
l'Épiscopat Catholique avec leurs courants évangélique
et charismatique. Un avenir possible si les identités
chrétiennes renaissantes ne sont pas crispées,
intolérantes, mais ouvertes à l'autre et à
la modernité.»
L'Église Évangélique Méthodiste se
place délibérément dans le sillon de ce
christianisme de conversion. Elle se réjouit de l'évolution
actuelle des autres Églises historiques et souhaite rester
fidèle au christianisme de conversion, à cette
intuition éminemment biblique et évangélique
tout en se gardant de tout excès et écart, quels
qu'ils soient.
Jean-Philippe WAECHTER
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