Méditation
L'unité de I'EgIise,
selon Ephésiens 2.13-22
Lors de l'Assemblée Générale
de l'UEEM à Colmar, le 4 décembre dernier, le pasteur
Henri BAUER a apporté cette méditation:
L'Église, n'est pas le signe visible d'une initiative
humaine, mais bien le signe de l'amour éternel de Dieu
(v. 13, 14, 22) C'est lui qui choisit, appelle, rassemble des
hommes et des femmes pour qu'ils vivent de sa grâce (v.
18). Unis dans l'amour ils annoncent l'intention dernière
de Dieu, à savoir, rassembler en un corps, en une construction
ceux qu'il a sauvés.
L'Église est l'avenir du monde . En elle et par elle
le futur a déjà commencé, le projet de Dieu
est en voie d'exécution. C'est dire l'étendue de
notre responsabilité devant Dieu et devant les hommes
: c'est à nous qu'il incombe d'être dans ce monde
signe et espérance du monde nouveau (v. 15b).
Comme disait un théologien contemporain: "Si
l'Église est garantie d'en haut, elle est menacée
d'en bas". Pas tant, comme nous le croyons généralement,
par les hommes qui sont hors de l'Église que par ceux
qui sont dedans. L'Église est menacée de l'intérieur,
et c'est bien là le drame. C'est de l'Église elle-même
que naissent les divergences, les divisions. Ce n'est pas le
monde qui rompt l'unité du corps de Christ, ce sont les
membres eux-mêmes de ce corps qui, tirant chacun de leur
côté pour ce qu'ils croient être leur intérêt,
finissent par le déchirer. Tout est simple en fait, dans
l'intention divine : des hommes et des femmes communient dans
le même amour parce qu'ils répondent au même
amour. Et puis, tout se complique, se dégrade, s'avilit
et cela parce que nous sommes des hommes et que rien de ce que
l'on nous confie ne reste pur entre nos mains, hélas (misérables
que nous sommes, qui nous délivrera du corps de cette
mort?).
Maintenant je ne vous apprends rien de nouveau, en disant
que ce n'est en fait pas entièrement notre faute. Un autre
s'en mêle, qui a l'habileté de nous faire croire
qu'il n'existe pas, qu'il n'a jamais existé et que, par
conséquent, nous n'avons rien à redouter de lui.
Cependant, le diable, le diviseur - agit, s'infiltrant dans l'Église
pour la noyauter et défaisant ce que Dieu fait, empêchant
toute tentative d'unité. Chaque fois que, d'une manière
ou d'une autre, nous cédons à la tentation de la
division, nous devenons ses partisans. Quand les membres du corps
de Christ se regardent avec méfiance et suspicion, commencent
à se mépriser, cela signifie que le diable est
à l'oeuvre, là où Dieu seul devrait régner.
Bref la perte de l'unité de l'Église est le symptôme
infaillible de la maladie mortelle qui risque toujours de l'emporter.
Bien que menacée par les hommes, l'Église est
pourtant garantie par Dieu, qui l'a voulue, qui compte sur elle
et qui la sauve. Dans la personne de Jésus-Christ, Dieu
réunit ce qui est divisé, il rapproche ce qui est
éloigné, il fait tomber les murs de séparation
(v. 14), il abat les cloisons. La croix du Christ nous rassemble
sous le même jugement et la même grâce. Elle
nous révèle ce que nous sommes, des ennemis de
Dieu avant de l'être de nous-mêmes, des êtres
incapables de s'aimer et de s'entendre, de rester unis dans l'amour,
de se rapprocher dans I'amour, parce qu'ils n'aiment pas - ou
mal - Dieu qui le premier les a aimés.
Seulement, la croix est là, dressée entre les
deux camps, les deux sensibilités, c'est elle qui va confronter
les uns et les autres et les mettre d'accord. La croix nous accuse
tous, et en même temps nous absout, c'est cela le miracle
extraordinaire. La croix révèle le fond de notre
nature humaine, de cette nature qui nous est commune à
tous, à nous qui, de tous lieux et de tous temps, sommes
des hommes rebelles à Dieu, incapables vraiment d'amour.
En vérité, qui aime Dieu comme Dieu aime ? Qui
le reconnaît dans la personne des humbles et des petits
avec lesquels Dieu s'identifie? Je crois que nous ne cessons
de crucifier le Christ. Tous sans exception. Et tous, tant que
nous sommes, nous ne pourrons jamais faire en sorte que la croix
n'ait pas été dressée au sein de notre monde.
Les chemins qui ne passent pas par la croix sont les voies de
la facilité.
Grâce la croix, il n'y plus rien qui sépare Dieu
et les hommes, et plus rien non plus qui sépare les hommes
eux-mêmes. Les murs tombent, les clôtures sont brisées,
ceux qui étaient éloignés se rapprochent,
ce qui était divisé est réuni. Nous ne sommes
plus qu'un seul homme, mort sous le jugement de Dieu, ressuscité
par sa grâce. Un seul homme nouveau dans le Christ, lui
qui des deux, n'en a fait qu'un. notre condition aujourd'hui.
Il y a un "avant" et un "après"
de la croix. Tous sous le même jugement, tous sous la même
grâce, et tous dans la même communion.
Et telle est l'oeuvre de Dieu pour nous en Jésus-Christ.
C'est ainsi que Dieu sauve son Église de la division pour
la ramener toujours dans l'unité de la vrai foi: la même
condamnation, mais la même grâce, pour tous. Morts
à nos manières d'être et de penser, à
nos traditions, à nos coutumes, à nos allégeances.
Ressuscités avec le Christ, vivant de sa vie, créatures
nouvelles, tournés vers Dieu et le prochain, suivant Jésus-Christ
et nous laissant conduire par lui. Réconciliés.
Avec Dieu, avec le prochain, avec nous-mêmes. Un seul homme
en Jésus-Christ. Comme a dit Jean Calvin: "Nous
naissons tous mort et vivons tous mort jusqu'à ce que
nous soyons faits participants de la vie du Christ."
La même vie que nous vivons tous ensemble, vie nouvelle,
aujourd'hui et maintenant sous le jugement de Dieu et la grâce
de Dieu. Le même don à tous qu'il faut recevoir
par la foi. Car, si la division se fait, l'unité se reçoit
et se vit. Ainsi, nous ne sommes plus des étrangers, plus
des éloignés, mais des membres de la famille de
Dieu, des hommes et des femmes qui ensemble ont accès
auprès du Père dans le même Esprit.
En vérité l'Église est le lieu de l'unité
par la récon-ciliation. Là où l'unité
n'existe pas, unité donnée parce que sans cesse
redemandée, il ne saurait, à proprement parler,
y avoir d'Église. L'Église est vraiment là
où les hommes et les femmes que Dieu appelle à
témoigner de son amour sont constamment replacés
dans la vérité de cet amour par la prédication
de la croix. L'Église est là où des hommes
:
- confessent être incapables de garder intact le dépôt
qui leur a été confié ;
- confessent leur faiblesse à se laisser séduire
par toutes les ruses du diviseur ;
- reconnaissent qu'ils ne sauraient faire prévaloir
un mérite quelconque, une capacité propre ;
- reconnaissent qu'ils ne peuvent vivre et rester en vie qu'en
vertu d'une décision de l'incomparable richesse de la
grâce de Dieu. C'est par grâce que vous êtes
sauvés, vous n'y êtes pour rien, c'est le don Dieu
(Ep 2.8).
Telle est l'Église, communauté vivante du Seigneur,
oeuvre de Dieu, menacée par les hommes, garantie par Dieu,
sauvée par Jésus-Christ. C'est pourquoi c'est à
lui qu'il faut regarder, c'est en lui qu'il faut croire. Lui
qui arrache jusqu'à la racine l'ivraie de nos séparations.
Henri BAUER