LE MESSAGER CHRÉTIEN

Mars 2000

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Le livre de Jonas,

à la lumière de saint Paul

Le livre de Jonas, très court et très facile à lire, n'en est pas moins un témoignage capital sur la façon dont les Juifs ressentaient le problème du paganisme. Assurément, Paul, l'apôtre des païens, a dû méditer ce livre et en tenir compte, même s'il n'en fait pas mention dans les écrits qui nous restent de lui. Il nous semble en tout cas qu'une lecture chrétienne de Jonas gagne à être éclairée par la doctrine que professe Paul.

La foi des Ninivites

"Les gens de Ninive ont cru en Dieu" (Jon 3.5). Il ne faut pas prêter à cette tournure des significations que le texte n'impose nullement. Certes, Jonas a dû étoffer ses discours aux païens qu'étaient les Ninivites par quelques allusions aux grandes vérités que professe la religion hébraïque; mais à s'en tenir au texte, il résulte uniquement que Ninive a cru à la Parole qui lui était spécialement adressée: "Va à Ninive, la grande ville, et dis-leur que leur méchanceté est montée jusqu'à moi " (Jon 1,2) ; et Jonas "prêcha en ces termes : Encore quarante jours et Ninive sera détruite" (Jon 3,4). Il est rare qu'un peuple croie massivement à l'annonce de son péché et à l'imminence du châtiment divin. Les Ninivites l'ont fait : c'est déjà un miracle ; mais ce n'est pas le seul, ni le plus important.

Référons-nous à Paul. Au début de son Épître au Romains, il brosse un tableau d'ensemble des diverses folies et aberrations dont Dieu a frappé les païens (mais aussi, plus généralement, tous les pécheurs). Sachant toutefois qu'ils ont une conscience (Rom 2.15), il conclut la liste suggestive, (mais nullement limitative) de leurs égarements, par la remarque suivante: "bien pourtant le verdict de Dieu qui déclare dignes de mort les auteurs de pareilles actions, non seulement ils les font, mais il approuvent encore ceux qui les commettent" (Rom 1.32).

Voilà donc le péché dans toute sa force. Au fond de nous-mêmes nous connaissons suffisamment Dieu et sa loi, mais nous n'approuvons ni l'un ni l'autre. Pour donner un semblant de logique à notre absurde révolte, nous nous fabriquons une fausse image de Dieu, à notre convenance: c'est l'idolâtrie (Rom 1.25). Celle d'autrui et des civilisations étrangères nous paraît ridicule. L'idolâtrie, c'est la paille que nous apercevons dans l'oeil d'autrui, faute de sentir la poutre que nous avons dans le nôtre. Or les Ninivites, grands pécheurs et pas conséquent grands idolâtres, ont brusquement ressenti la poutre qui gênait leur sens de la vision. Comprenant que leur péché leur valait une condamnation à mort, ils ont cessé d'approuver leur péché. Et ils ont fait pénitence. Ce fut un miracle de lucidité, un effet direct de la grâce divine.

Mais il y a mieux encore. Toutes les religions païennes étaient fondées, en dernière analyse, sur la conviction que l'on peut apaiser quasi automatiquement la colère divine par des rites et des bonnes oeuvres appropriés. Cependant le roi de Ninive avait cessé de croire à l'efficacité magique de la pénitence: "Qui sait si Dieu ne se ravisera pas et ne se repentira pas?" (Jon 3.9). Il a compris qu'on ne saurait contraindre Dieu, dont la clémence et le pardon sont entièrement gratuits et libres. Dieu ne se laisse pas acheter. Il ne reste qu'à espérer sa miséricorde. Son "repentir" ne peut venir que de lui. Comprendre cela, c'est aussi un miracle de la grâce.

Il ne faut ni exagérer, ni minimiser l'affaire. Après tout, Ninive n'était menacée que de "destruction" à court terme; mais c'est le destin commun de toutes les civilisations et de tous les hommes, auquel on ne peut que très provisoirement échapper. En revanche, les Ninivites ont quand même reconnu leur péché, l'insuffisance de leur pénitence, et il se sont raccrochés à l'espérance d'un pardon qu'il savaient ne pas mériter. On dirait qu'ils étaient déjà mûrs pour la prédication de la nouvelle par l'apôtre Paul. "Qui sait" si Dieu n'a pas poussé plus loin sa grâce à leur égard? On a l'impression qu'ils ne dépareraient pas tellement dans son Royaume.

La foi de Jonas

les mésaventures maritimes de Jonas jeté à la mer à sa demande pour sauver ses compagnons de route en ont fait l'image de notre Rédempteur, le Christ (baptisé, souffrant, mort et ressuscité). «De la fosse, tu as fait remonter ma vie», déclare Jonas (2.7) avant même d'être sorti de son poisson. Cette certitude du salut l'apparente aux chrétiens.

A part cela, l'âme de Jonas est aussi trouble qu'une mer agitée. Il proclame qu'il "craint" Dieu (d'après le texte hébreu), et il sait fort bien que sa désobéissance mérite la noyade. Pourquoi donc a-t-il désobéi? Parce qu'il n'a pas cru que Dieu tiendrait parole en détruisant Ninive. C'est du moins ce qu'il se permet d'expliquer à Dieu lui-même, tout en insinuant que dans ces conditions il valait mieux s'esquiver à Tarsis plutôt que d'aller prêcher à Ninive (Jon 4.2). Jonas a commis son péché et il continue à l'approuver. Faut-il le soupçonner d'idolâtrie? "Tu es un Dieu de tendresse et de pitié... te repentant du mal"; sous-entendu : du mal que tu as annoncé vouloir nous faire (Jon 4.2). Cela revient quand même à se représenter Dieu sous la forme d'un menteur.

Quoi qu'il en soit, le résultat est déplorable. Après avoir échappé miraculeusement à la mort, Jonas est tellement découragé par le rôle que Dieu lui a assigné qu'il ne cesse de dire dans ses prières: "Mieux vaut pour moi mourir que vivre"(4.3, 8). Cela n'a rien à voir avec l'idéal de mortification-vivification que Paul propose aux chrétiens :

"Quoique vivants, nous sommes sans cesse livrés à la mort à cause de Jésus, afin que la vie de Jésus soit, elle aussi, manifestée dans notre chair mortelle. Ainsi la mort fait son oeuvre en nous, et la vie en nous"(2 Cor 4.11-12).

Non, Jonas ne voyait pas les choses de cette façon-là. Et cependant Dieu s'est employé à le "délivrer de son mal" (4.6), de son dégoût de l'existence.

La foi de Jésus

Jésus a cru à sa mission rédemptrice, parce qu'il a cru et obéi à son Père. Peu avant sa mort et dans la perspective de son supplice, il déclarait: «Le serviteur n'est pas plus grand que son maître, ni l'envoyé plus grand que celui qui l'envoie» (Jean 13.16). La Parole de Dieu est vraie, et c'est seulement à cette condition qu'elle peut être une bonne nouvelle.

Le prophète Jonas, pour sa part, se considère comme le messager d'une mauvaise nouvelle, à laquelle d'ailleurs il ne croit pas. Il n'imagine pas un instant que par sa prédication la Ninive pécheresse a été détruite pour faire place à la Ninive repentante et sauvée. Finalement, il s'installa à proximité de la ville, "pour voir ce qui arriverait" (4.5), alors que déjà tout était arrivé. En somme, Jonas est le premier des exégètes à ne pas avoir compris le livre qui porte son nom!

Ses prières toutefois ne manquent pas de franchise : il sait que Dieu prête l'oreille à ce qu'il dit et ne lui veut pas de mal. Jonas récrimine contre le Tout-Puissant, mais il le respecte et, dans le fond, il l'aime.

Quant à nous, chrétiens, prions le Père pour qu'il nous donne de comprendre sa Parole dans l'obéissance, à la manière de son Fils Jésus. Mais si, par faiblesse humaine ou par suggestion du Malin, il nous arrive trop souvent de "comprendre" la Parole à la façon de Jonas, demandons à Dieu de nous "délivrer de notre mal " cette grâce, il ne l'a pas refusée à un homme bien imparfait, Jonas fils d'Amittai. Il l'a même choisi entre tous les hommes pour être son prophète à Ninive, et pour être en bien des cas l'image de son Fils, notre Rédempteur, Jésus.

Georges LAGUARRIGUE


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