FÉVRIER
2003
A l'origine
du méthodisme: persécution contre les précurseurs
Par John SINGLETON, ancien rédacteur adjoint de
la revue «Methodist Recorder», publiée à
Londres (Grande-Bretagne); il est actuellementadministrateur
à plein temps de l'Église Méthodiste et
de ses projets sociaux à Tower Hamlets, à Londres-Est.
Il peut être contacté par courrier électronique
à l'adresse: john@towerhamlets.org
Intolérance dûment
orchestrée
A une époque où la tolérance en
matière de religion est un thème très sensible
et alors que, encore de nos jours, la violence envers les croyants
est très réelle dans certaines parties du monde,
il est utile de nous rappeler que les pionniers du mouvement
méthodiste ont été souvent du côté
des victimes d'une intolérance dûment orchestrée.
Une violente persécution
Prêcher sur une place de marché, dans la rue
ou au milieu des champs de l'Angleterre du milieu du XVIIIe siècle
était sans aucun doute une façon inusitée
et efficace de communiquer l'Évangile à des milliers
de personnes, mais elle exposait les prédicateurs et leurs
fidèles aux préjugés et à la haine
de nombreux adversaires - souvent situés en haut lieu
- qui se sentaient menacés par ce mouvement naissant parmi
les gens simples. Par conséquent, bien des méthodistes
des premiers temps ont fait très directement l'expérience
d'une violente persécution.
Pendant les premières années, marquées par
un développement rapide du mouvement, l'intervention de
bandes violentes était plus ou moins habituelle dans certaines
parties de l'Angleterre. En de nombreuses occasions, les réunions
des frères WESLEY, de George WHITEFIELD et de maints prédicateurs
itinérants, furent attaquées par des hordes de
canailles ivres, bagarreuses, équipées d'armes
hétéroclites allant des bâtons à des
oeufs pourris, en passant par des briques, des pierres et des
bombes puantes. Parfois, la bande attrapait un taureau et poussait
la pauvre bête affolée droit au milieu d'une réunion
en plein air ; à d'autres moments, les perturbateurs se
contentaient de faire du bruit avec des cloches, des cors, des
tambours et des casseroles pour noyer la voix du prédicateur.
Souvent, lorsqu'ils étaient stimulés par un leader
violent, les membres du groupe avaient recours à toutes
les formes d'agressions imaginables. Parfois, ils se déchargeaient
de leur rage en brûlant ou démolissant les maisons
et en cassant ou volant le mobilier et les biens des adeptes
du méthodisme. On sait que John WESLEY lui-même
fut en grave danger d'être tué par des bandes dans
le Staffordshire et en Cornouailles. Son frère, Charles,
put à grand peine sauver sa vie dans la ville de Devizes,
dans le Wiltshire. Quant à WHITEFIELD, agressé
brutalement par une foule irlandaise à Dublin, «couvert
de sang et sur le point de défaillir», il fut
secouru au tout dernier moment.

John WESLEY au milieu d'une émeute
Des magistrats complices
Souvent, il semblait que c'étaient précisément
les personnes dont le devoir aurait été de protéger
des citoyens respectueux de la loi, qui encourageaient activement
les groupes perturbateurs ou qui, postées à bonne
distance, approuvaient tacitement ce qui se passait. John WESLEY
a constaté que la piste de la majorité des incidents
provoqués par ce type de bandes menait à des magistrats,
des seigneurs locaux et des gens «de qualité»
connus pour être des «gentilshommes».
Si l'on en juge par les fréquentes remarques caustiques
de son journal au sujet de leurs manières «peu
gentilles», WESLEY ne s'en embarrassait guère.
S'il est vrai que des membres de la classe privilégiée
ont appuyé le méthodisme, WESLEY n'a généralement
pas été impressionné par les représentants
de la petite noblesse locale, même les plus pieux. «Il
y a dans la plupart des nobles religieux un mélange si
bizarre, que j'ai rarement confiance en eux», a-t-il
écrit.
Il a noté que les chefs de bandes violentes sont des «brutes
publiques». Dans son journal de 1769, on trouve une
remarque à la fois amusante et révélatrice:
«Les brutes publiques ont été raisonnablement
calmes jusqu'au moment où j'arrivais presque au terme
de mon sermon. A ce moment-là, ces gens élevèrent
la voix, en particulier l'un d'entre eux, appelé gentilhomme,
qui avait rempli ses poches d'oeufs pourris ; mais un jeune homme
se glissa par surprise derrière lui et, plaquant ses mains
sur lui des deux côtés, écrasa tous les oeufs
d'un coup. En un instant il fut tout parfumé, mais ce
n'était pas aussi bon que du baume ». Une autre
fois, « une sorte de gentilhomme engagea une bande de
garçons pour crier, puis fit boire inconsidérément
un pauvre homme, qui hurla beaucoup d'obscénités
et de bêtises, tandis que lui-même jouait du cor.
» Certains gentilshommes magistrats allèrent jusqu'à
dire aux bandes : « Faites ce qu'il vous plaît
», puis se lavèrent les mains des conséquences.
D'autres délivrèrent des mandats d'arrêt
généraux contre tous les prêcheurs itinérants.
Plus d'une fois, ces soi-disant gentilshommes ont engagé
des bandes pour chasser de leur district « tous ceux
qui s'appellent méthodistes ».
Le journal de WESLEY du mois de février 1744 est particulièrement
révélateur. Après des mois d'actes de terreur
et de pillages sporadiques, un groupe de gens « engagés
par leurs dirigeants » et « tenus par serment
» de piller tous les méthodistes de Wednesbury
- probablement l'endroit le plus réputé pour sa
persécution des disciples de WESLEY - décidèrent
de mettre leur dessein à exécution. Attaquant les
maisons de ceux qui étaient connus pour être des
adeptes du mouvement, ils commencèrent par casser toutes
les vitres. Puis tous les meubles trop lourds pour être
emmenés furent « mis en pièces ».
Ils prirent des vêtements et autres objets de valeur, «
chaque homme en prenant autant qu'il pouvait en porter ou ce
qu'il préférait ».
Certains des gentilshommes qui avaient mis le groupe sur pied
- et qui avaient, semble-t-il, menacé leurs employés
de renvoi s'ils ne participaient pas à cette attaque -
rédigèrent un document que les méthodistes
devaient signer, déclarant qu'ils n'inviteraient ou ne
recevraient plus jamais de prédicateur méthodiste.
Les auteurs du document indiquèrent que l'attaque cesserait
à condition qu'ils signent. La plupart refusèrent
de signer, disant qu'ils préféraient perdre la
vie plutôt que désobéir à leur conscience.
Encouragés par WESLEY, les méthodistes n'offrirent
pas de résistance violente aux attaques de Wednesbury,
qui laissèrent dans leur sillage « plusieurs centaines
» de maisons détruites et de nombreuses personnes
blessées. Mais WESLEY n'était pas un leader qui
pontifiait à distance. Dans ce genre de situation, on
le trouvait fréquemment aux côtés de ses
gens, montant lui-même en première ligne pour obtenir
la liberté de célébrer un culte et partager
la Parole de Dieu. Sa résistance était créatrice.
Un courage inspiré par Dieu
Son courage, son calme et son attitude au milieu de ces situations
effrayantes ont dû être inspirés par Dieu,
comme le montre son journal de 1743 : « Le soir, alors
que je prêchais à St-Ives, Satan a commencé
à se battre pour son royaume. La populace de la ville
surgit dans le local et créa passablement de désordre,
hurlant et frappant ceux qui étaient sur son chemin, comme
s'ils étaient possédés par Légion
lui-même ».
WESLEY écrit qu'il aurait voulu « persuader nos
gens de garder leur calme. Mais le zèle de certains et
la peur des autres n'avaient pas d'oreilles». Comme
le tumulte augmentait, « je plongeai au milieu de la
foule et ramenai le meneur des perturbateurs avec moi vers le
lutrin. Je ne reçus qu'un coup sur le côté
de la tête, après quoi nous commençâmes
à discuter de l'affaire, jusqu'à ce qu'il devienne
de plus en plus doux et qu'à la fin il entreprenne de
calmer ses compagnons ». Dans notre monde d'aujourd'hui,
nous avons peut-être besoin d'une personne ayant la stature
et l'engagement de WESLEY pour contribuer à ramener la
paix au sein de certaines de nos communautés.
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