OCTOBRE
2002
LE MONDE
EST MA PAROISSE
Faire oeuvre de paix,
guérir des meurtrissures du passé !
Bravo, Boris!
Dans un monde marqué par
les luttes, les tensions et les guerres, l'engagement de certains
en faveur de la paix fait plaisir à voir ! Boris TRAJKOVSKI,
l'actuel président macédonien est un battant de
ce genre. Ses efforts inlassables pour ramener la stabilité
économique et la paix dans son pays ont permis à
ce jour, aux Macédoniens de souche comme aux Albanais
jusqu'alors à couteaux tirés, de trouver un terrain
d'entente. TRAJKOVSKI n'est pas non plus étranger à
l'adoption par le parlement macédonien d'une nouvelle
constitution garantissant à la minorité albanaise
aussi bien qu'aux principaux groupes religieux non-orthodoxes
la plénitude de leurs droits (catholiques romains, juifs,
musulmans et... méthodistes). Au cours des 12 années
passées, TRAJKOVSKI a participé à un certain
nombre de conférences internationales visant la résolution
de conflits, défendant tour à tour la tolérance
religieuse et la liberté religieuse. Il était aussi
en première ligne pour améliorer les relations
et la coopération de son pays avec d'autres pays.
Le Conseil Méthodiste Mondial a honoré cet homme
d'État, cet artisan de paix hors pair, en lui attribuant
en septembre le Prix Méthodiste Mondial de la Paix 2002.
Ce n'est un secret pour personne, Boris TRAJKOVSKI est un chrétien
engagé et de surcroît un des piliers de l'Église
Évangélique Méthodiste (EEM) de son pays
et même à l'occasion prédicateur laïc
auprès de la petite communauté de Skopje.
La conversion
des mentalités, préalable à toute guérison
Tandis que les Irlandais de l'IRA
regrettent publiquement le sang versé par leur mouvement,
des paramilitaires protestants font aussi leur mea culpa.
Enfin les uns et les autres veulent tourner la page et aspirent
à un avenir meilleur : « Ils veulent voir une
société différente, bâtie sur la paix
et la justice. L'Église a le devoir de les aider à
mettre ces buts et ces objectifs dans un cadre de référence
biblique », explique un pasteur méthodiste appelé
à la rescousse pour faire office de médiateur.
La conciliation et la réconciliation entre frères
ennemis n'est pas pour autant achevée, loin s'en faut.
Ce chemin est ardu : « Nombre d'entre nous, nous avons
fait de la prison », reconnaît un de ces militants
repentis« Pour ceux qui ont perdu des amis et des collègues,
il est difficile de pardonner, mais nous voyons de réelles
possibilités. »
Le pardon pour être reçu
et partagé suppose un mouvement de conversion, une «réorientation
de la mentalité» et ce changement de mentalité
exige la prise en compte des dommages subis et commis de part
et d'autre, comme l'explique le président de l'Église
Méthodiste irlandaise, le pasteur Winston GRAHAM: «Nous
n'aurons la liberté nécessaire pour aller de l'avant
que quand nous aurons reconnu au préalable la douleur
et la peine que nous avons causées.»
Les étapes
de la guérison intérieure de part et d'autre
L'étude publiée récemment par le Conseil
oecuménique des Églises (COE) sur la lutte contre
le racisme abonde dans le même sens. Pour guérir
des meurtrissures de son passé, quelles qu'elles soient,
y lit-on, «la première chose à faire est
de s'ouvrir à l'expérience de la souffrance, passée
et présente », processus de guérison
difficile et douloureux: «Regarder la vérité
en face n'est jamais facile ni pour un individu, ni pour une
communauté.» Pas plus qu'il n'est facile de
confesser tout ce passé et ce passif coupable ancien ou
récent mis ainsi en lumière, ni non plus de demander
pardon aux victimes de ce péché ou à leurs
héritiers voire de «réparer»
les torts commis en restituant les biens spoliés. Il est
nécessaire de franchir ces étapes, mais ce n'est
guère suffisant. Les auteurs et fauteurs devront encore
établir un lien de solidarité avec leurs anciennes
victimes pour que leur conversion soit authentique. «C'est
lorsque nous nous rendons compte que la source la plus profonde
de notre souffrance et de notre solidarité, c'est le lien
que nous établissons avec ceux qui ont souffert et notre
solidarité avec eux. Ce tournant peut nous permettre de
nous rapprocher d'une repentance et d'une transformation authentiques.»
Ainsi le retour à la dignité exige non seulement
que les « victimes » puissent désigner
le tort qu'elles et leurs ancêtres ont subi, dire les souffrances
passées et présentes et définir elles-mêmes
ce qui doit leur être restitué, mais encore que
les « fautifs » acceptent de porter collectivement
et personnellement la responsabilité des fautes commises
par les générations précédentes et
que la démarche de confession, de pardon et de restitution
les amène à la guérison de ce qui en eux
les portait, et peut-être les porte encore, vers une attitude
coupable.
Autrement dit : la résolution de conflits et la guérison
des passifs du passé passe par ce que le rapport désigne
du nom de «justice transformatrice», qui va
plus loin qu'une justice distributive ou réparatrice,
puisqu'elle va s'adresser à la victime et au fautif, chacun
en ce qui le concerne.
Ainsi, que l'on soit albanais ou macédonien, irlandais
d'un bord ou de l'autre, il est question de nos jours que tous
aillent jusqu'au bout du processus de guérison, se remettent
pleinement des meurtrissures du passé, tant les victimes
que les (f)auteurs de troubles. Les situations peuvent différer,
les causes varier, les étapes à franchir sont néanmoins
les mêmes. Certes, «il n'existe pas de formule
toute faite pour rechercher la guérison, la réconciliation
et de nouvelles relations avec ceux à qui nous avons causé
du tort », selon le rapport, comme il n'existe pas
de recette magique pour obtenir la réconciliation. Celle-ci
se développe « comme un mystère et une
grâce. Il nous faut les dons de l'Esprit : patience, humilité,
compassion, bonté et respect - autant de choses que nous
ne pouvons pas fabriquer nous-mêmes.» Il nous
faut le Christ en personne, qui de deux protagonistes fâchés
à mort en fait des amis par la croix qu'il a subie.
Aussi laissons l'Esprit Saint façonner en nous ces vertus
pour que nous devenions des artisans de paix et des agents de
conciliation et de réconciliation à notre petite
échelle, en commençant dans nos familles, nos Églises,
ou entre Églises, dans nos cités respectives à
la suite et sous l'autorité de notre Maître Jésus-Christ!
«Dieu nous a réconciliés avec lui par
le Christ. Il ne tient plus compte des fautes des êtres
humains et il nous charge d'annoncer cette parole de réonciliation.»
(2 Cor 5.19)
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Jean-Philippe WAECHTER
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