Entretien avec
Christian BONNET
A la suite du congrès «Évangéliser
la France ensemble» en octobre 2001, les représentants
d'une quarantaine d'oeuvres et d'Églises issues de la
Réforme se sont retrouvés pour décider ensemble
de faire de 2003 une année de la Bible.
Entretien avec Christian BONNET, secrétaire du comité
de pilotage de l'année de la Bible.
Pourquoi
décréter 2003 année de la Bible? Est-ce
à dire qu'en 2002 ou en 2004 la Bible ne sera plus à
l'ordre du jour?
Christian Bonnet, Directeur
de la Société Biblique France
|
Christian BONNET: Pas du tout. Il s'agit pour 2003 d'un temps
fort, conjonction de deux causes.
La première, c'est la volonté nouvelle de la part
des Églises protestantes de travailler ensemble, de laisser
de côté leurs divisions ancestrales. Un mouvement
qui remonte à plusieurs années et qui a pris forme
à la suite du congrès « Évangéliser
la France ensemble » en octobre 2001. Ce projet a rencontré
une large adhésion de nombreuses Églises protestantes
et aussi de l'Église catholique qui encourage diocèses
et paroisses à participer. Le 2e élément
déclencheur, c'est la publication par le journal «
La Croix » des résultats d'un sondage. Un constat
alarmant sur les Français et la Bible : 58 %
des foyers français ne possèdent pas de Bible.
72 % des foyers français ne lisent pas la Bible. 54% la
considèrent comme un livre dépassé. Et sur
les 8 % qui lisent la Bible au moins une fois par mois,
77% la lisent seuls. On constate aussi un malaise dans les Églises
où la pratique de la lecture de la Bible a régressé.
Il y a donc urgence à répondre à ce double
défi. Les Églises doivent faire quelque chose si
elles ne veulent pas se résoudre à cette marginalisation
de la Bible dans la vie des Églises comme sur la place
publique.
Comment cela va-t-il
se passer ?
C. B. : Nous bénéficions
de l'expérience des Églises allemandes qui ont
lancé cette opération en 1993, et la renouvellent
aujourd'hui. Ce projet ne concerne pas seulement la France, mais
aussi la Suisse, l'Autriche, le Bénélux. 4 axes
de travail ont été retenus : diffuser plus
la Bible, démontrer sa pertinence, augmenter sa lecture
et développer cette pratique en groupe, avec une stratégie
en deux temps.
Premier temps : au premier semestre 2003, les chrétiens
et la Bible. Un travail de l'Église : Encourager
les personnes à une discipline de lecture personnelle,
à créer des groupes bibliques tout est à
imaginer. Il y a derrière un souci d'authenticité.
Je ne peux pas concevoir une année de la Bible sans une
remise en cause des chrétiens eux-mêmes. Il nous
faut être les premiers bénéficiaires, et
vérifier si nous vivons ce que nous lisons. La Bible a
longtemps servi d'alibi à des différences confessionnelles,
à justifier l'apartheid ou la légitimité
d'un territoire. Cette intolérance est le fait d'une lecture
non éclairée. La Bible est plus grande que nous.
Il est présomptueux de dire que j'en ai une compréhension
complète. C'est comme une image en 3 dimensions. Il faut
être plusieurs pour comprendre. Je crois que les chrétiens
sont dans une relation nouvelle avec la Bible, avec une lecture
plus humble.
Second temps : au second semestre, les chrétiens
doivent sortir de leurs temples et proposer. Les politiques s'interrogent :
sur quoi aujourd'hui fonder une citoyenneté ? Cela
vaut la peine de réfléchir. La Bible peut-elle
être aussi un élément permettant de vivre
ensemble ? Quelle est la place de la Bible dans le patrimoine
culturel et artistique ? La Bible contient-elle une parole
pertinente pour aujourd'hui ? Une campagne médiatique
est prévue du 15 octobre au 15 novembre : grandes
affiches, spots radios, publicité et articles dans la
grande presse... Cette publicité servira de support aux
manifestations organisées par les Églises.
De quels outils
les Églises locales pourront-elles disposer ?
C. B. : Certaines auront besoin
d'idées, d'autres non. Il n'y pas un comité national
qui décide, c'est à chaque Église d'inventer.
Notre objectif est d'encourager les Églises locales à
travailler ensemble, à imaginer ensemble des objectifs
raisonnables et mesurables, à avoir un peu plus d'audace
missionnaire. Les outils disponibles ont été recensés
dans une brochure, une sorte de boîte à idées :
la Bible un livre à lire, à voir à écouter,
à partager, à vivre. Le livre est sorti en septembre,
il vaut 8 ¤ et est à commander au secrétariat
de l'année de la Bible (NDLR : Secrétariat
« 2003. Année de la Bible », BP 47, 95400
Villiers-le-Bel, Tél. : 01.39.94.50.51, site Internet
: www.2003anneedelabible.com
E-mail : info@2003adlb.com).
Les éditeurs protestants de Bible se sont mobilisés
pour éditer des bibles à des prix raisonnables.
Agapé, la Ligue pour la Lecture de la Bible et la Société
Biblique Française proposent ensemble un coffret « chercher
et trouver » pour permettre à des chrétiens
d'être des témoins avec un matériel facile
et accrocheur. Ce coffret contient une vidéo «Jésus»,
une brochure «conseils pour lire la Bible»
et un nouveau testament «Parole de vie». Il
sera vendu en dessous du prix de revient comme outil de témoignage.
Les Églises protestantes sont restées trop longtemps
enfermées dans leurs temples. Il est urgent qu'elles retrouvent
un peu d'audace pour remettre la Bible sur la place publique.
Ne nous trompons pas, il ne s'agit pas d'une campagne de diffusion
de la Bible, mais d'annoncer une bonne nouvelle, de permettre
à d'autres de découvrir le visage de Jésus-Christ,
cette extraordinaire main tendue de Dieu aux hommes.
Propos recueillis par Colette CHANAS
Témoignages
La Bible est en danger car
en bien des lieux de notre société post-moderne,
on l'a jetée aux oubliettes. Pire encore : on l'a inscrite
au patrimoine de l'humanité ! Ou bien on l'a sacralisée
comme le Veau d'Or, et même on l'a léguée
pour dissection aux laboratoires exégétiques et
théologiques.
La Bible est en danger car ce livre de feu, de désert
et de vent, ce livre d'affrontements et de fêtes, de morts
et de résurrections, ce livre n'est plus reçu,
lu, écouté comme une Parole qui donne du sens à
nos vies d'aujourd'hui.
«Chercher et trouver. 2003: année de la Bible. »:
chercher d'abord les moyens de libérer la Parole « devenue
chair », Parole de cris et de chants, de pleurs
et de rires, de poussière et de soif, de pain et de vin,
de parfums et de saveurs, Parole qui puisse nous rejoindre dans
la douleur et le bonheur de nos existences.
Et trouver. Trouver ensemble l'élan nécessaire
à un véritable renouveau biblique. «La
Parole était la vraie lumière, celle qui éclaire
tout humain elle venait dans le monde.» (Jean 1, 9)
Pasteur Christian DAVAINE
Cette année de la Bible est pour moi un projet exemplaire
(ou presque) dans la mesure où l'idée est plus
importante que ceux qui y participent. Je m'explique: trop souvent
nos projets s'enlisent ou s'épuisent dans des négociations
ecclésiastiques. Cette fois, tout le monde ou presque
prend conscience de l'urgence de la situation. Quand quelqu'un
se noie on ne s'occupe pas de la couleur de la bouée.
Celui qui la reçoit ne se préoccupe pas non plus
de la couleur de celui qui l'envoie. Il y a donc dans cette année
de la Bible une bonne gestion des priorités: le blessé
sur le bord du chemin est plus important que la préservation
de la «pureté» de chacun!
J'ajouterais un autre point qui me plaît dans cette année
de la Bible: la prise de conscience qu'il nous faut relire la
Bible et la relire ensemble. Lire ensemble est une façon
de renouveler notre intérêt souvent déclinant.
Faire lire c'est bien, lire avec, c'est mieux !
Pasteur Claude BATY, président de l'Alliance Biblique
Française
J'aime la Bible. Quel Livre !
Ce n'est pas seulement le livre le plus vendu, le plus lu, le
plus commenté de la planète...
Ce n'est pas seulement un livre d'Histoire, ni un livre plein
d'histoires...
Ce n'est pas seulement un trésor de sagesse, et d'enseignements,
une mine de réflexion...
C'est un livre qui m'interpelle, qui me remet en question et
me pousse à changer. Mieux encore, plus je le lis, plus,
je découvre celui qui est en est à l'origine, Dieu
lui-même.
Quel livre!
Daniel SCHAERER, Aube 2000
Je ne détiens pas d'autorité
particulière dans mon Église pour dire cela, mais
je dis qu'il est temps maintenant que les chrétiens et
les Églises sortent du silence auquel on a voulu les condamner
pour les punir de leur hégémonie passée
et qu'ils ont accepté par sentiment de culpabilité
ou par perte de conviction et de ferveur. Quand les chrétiens
disent: «Notre manière de vivre témoigne»,
ils sont très prétentieux car leur comportement
n'est pas forcément extraordinaire. Mais cela cache parfois
la honte d'être chrétien, la honte du Christ, le
refus de partager l'opprobre du Christ. C'est la parole qui singularise,
qui engage, qui fait partager le sort du Christ. Les actes valorisent
souvent ceux qui les font, alors que la parole marque la différence,
expose et marginalise. Ne laissons pas les pierres de nos Églises
en ruines ou transformées en musée crier à
notre place.
Alain ARNOUX,
pasteur de l'Église réformée
in « Il y a un temps pour toute chose », éd.
Bergers et Mages.
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