NOVEMBRE
2003
EXPOSITION
BIBLIQUE
EXPO-BIBLE
Connaissons-nous la Bible Du 15 au 20 septembre s'est tenue,
dans les locaux de l'Église Évangélique
Baptiste de Colmar (Haut-Rhin), une exposition sur le Livre saint.
La Bible
est un livre qui, tour à tour, fascine et dérange.
C'est le livre le plus vendu au monde et le plus traduit, tout
en étant le plus critiqué, le plus dénigré.
Mais connaissons-nous la Bible, son message, son contenu, son
parcours ? D'où viennent les textes qui la composent?
Sont-ils donc encore pertinents pour une société
qui a tant évolué et qui ne se retrouve plus dans
ces histoires vieilles de plus de deux mille ans? Pourtant 46
% des Français considèrent la Bible comme actuelle
et pertinente ! L'exposition proposée à l'Église
Évangélique Baptiste de Colmar était une
occasion propice pour se faire une opinion soi-même : elle
retraçait en effet l'histoire des textes bibliques et
présentait plusieurs exemplaires rares dont la plus petite
Bible du monde. Cette exposition est présentée
depuis de nombreuses années à l'Église Évangélique
Méthodiste de Strasbourg et c'est une collaboration avec
l'Église Évangélique Méthodiste de
Colmar qui a rendu possible qu'elle se tienne à Colmar.
Article paru dans le quotidien «
L'Alsace » le 17 septembre 2003
ENSEIGNEMENT
Origine, formation et
histoire du Nouveau Testament
Dans le cadre de l'exposition
biblique présentée à la page précédente,
nous avons également organisé la projection du
film « Jésus » sur grand écran, ainsi
que deux conférences et le message du culte du dimanche
donnés par le professeur Jacques BUCHHOLD, enseignant
en Nouveau Testament à la Faculté Libre de Théologie
Évangélique de Vaux-sur-Seine (Yvelines). Voici
le résumé de la première conférence
(donnée le 19 septembre 2003), les autres résumés
suivront.
Origine, formation et histoire
du Nouveau Testament (NT)
Cette première conférence était
assez technique et présentait la formation du canon du
NT.
Une grande fidélité
Le constat de départ est qu'aucune oeuvre de
l'ancienne littérature classique n'est aussi fidèle
que le NT :
- Nous avons env. 5000 manuscrits du NT (certains ne comportent
que des portions du NT, mais de nombreux manuscrits contiennent
la totalité du NT) alors que nous ne disposons
que de peu de copies des textes profanes (par ex. la «
Guerre des Gaules » a été écrite entre
58 et 50 av. JC, nous en avons plusieurs manuscrits, mais seulement
9 ou 10 sont exacts !).
- D'autre part, la distance dans le temps entre l'écriture
effective et les premiers manuscrits que nous avons est très
courte : les célèbres codex Vaticanus et Sinaïticus
datent du troisième siècle ap. JC. Nous avons même
le papyrus P52, qui contient quelques versets de l'Évangile
de Jean et date de 125 ap. JC, alors que Jean écrivit
son Évangile vers 85-90 : il y a donc seulement 35-40
ans de distance. Pour Virgile (le mieux « loti »
des auteurs classiques), cet écart est d'env. 300 ans
(NDLR : et pour la « Guerre des Gaules », il est
d'env. 1000 ans).
Examinons maintenant deux gros blocs de textes dans le NT : les
lettres de Paul et les Évangiles synoptiques (Matthieu,
Marc et Luc). Nous n'avons pas le temps d'en examiner plus
Les lettres de Paul
Il y en a treize en tout (écrites en une vingtaine
d'années maximum, de 48 à 67, peut-être 64).
Que sait-on de la manière dont ces lettres ont été
intégrées à un corpus : est-ce par hasard
? On sait d'après le témoignage de certaines épîtres
de Paul que certains de ses écrits ont été
perdus (la lettre à Laodycée 1Co 5, la «
lettre sévère » dont parle 2 Co, etc.). Il
y a aussi de nombreux écrits chrétiens apocryphes
: pourquoi ces écrits n'ont-ils pas été
intégrés au NT ? Soulignons d'abord l'importance
de la conscience qu'a Paul de sa responsabilité d'apôtre.
La responsabilité d'apôtre
de Paul
Paul dit que l'Église a été construite
sur le fondement des « apôtres et prophètes
» (c-à-d. : « des apôtres, qui sont
les prophètes du NT », pas « des apôtres
du NT et des prophètes de l'AT) : Eph 2.20 et 3.5. Ceci
montre que Paul a une forte conscience de son importance dans
l'Église.
De plus, dans un texte très explicite, Paul explique son
rôle d'apôtre en se comparant à Moïse
et dit de ses compatriotes juifs incroyants : ils font la lecture
publique de l'ancienne alliance [l'Ancien Testament] S'il
parle des juifs comme faisant la lecture de l'Ancien Testament,
c'est qu'il a conscience d'écrire le Nouveau !
Dans un autre texte, l'apôtre Pierre parle de ceux qui
tordent le sens des lettres de Paul, « comme ils le font
aussi des autres Écritures [A.T.] »
On peut donc dire que l'importance et l'autorité que les
chrétiens attribuent à ces écrits correspondent
bien à l'esprit et au but dans lequel ils ont été
écrits et qu'ils n'ont pas été rassemblés
par une démarche arbitraire de l'Église.
La manière dont les choses se
sont déroulées concrètement
Nous avons à notre disposition des écrits
des Pères de l'Église qui datent d'avant la fin
du premier siècle (par ex. la Didachè ou
la lettre de Clément). Datant d'à peine plus tard,
vers 120 ap. JC, nous avons aussi plusieurs lettres d'Ignace,
évêque d'Antioche. Or, ce qui est surprenant, c'est
que ces écrits contiennent de nombreuses citations explicites
ou allusions provenant de diverses lettres de Paul. Tout se passe
comme si les lettres de Paul n'avaient jamais circulé
de manière isolée mais toujours sous la forme de
collection. Par ex. : Clément de Rome cite la première
épître aux Corinthiens et celle aux Éphésiens,
mais aussi celle aux Hébreux.
Murphy O'Connor (un grand exégète catholique) dit
que le corpus paulinien circulait avec l'épître
aux Hébreux vers la fin du premier siècle.
Qu'en est-il de l'autre grand bloc de textes dont nous parlions
: les Évangiles synoptiques (en grec, sunopsis signifie
vue d'ensemble).
Les Évangiles synoptiques
Nous savons par les écrits des Pères
de l'Église que les quatre évangiles circulaient
dans le bassin méditerranéen dès la moitié
du deuxième siècle au plus tard (c.-à-d.
vers 150 ap. JC). Mais déjà avant la fin du premier
siècle, plusieurs écrits (par ex. la Didachè)
citent les évangiles (par ex. la version « matthéenne
» du « Notre Père »). Comment ces évangiles
sont-ils nés ?
Seul Matthieu a été apôtre de Jésus-Christ,
Luc était d'origine païenne et n'a jamais connu Jésus,
ce qui semble être aussi le cas de Marc. Deux des évangiles
sont donc le fruit d'un témoignage indirect.
Y a-t-il des informations qui pourraient nous aider à
préciser les choses ? Tournons-nous d'abord vers les Pères
de l'Église.
Le témoignage de Papias et des
Pères de l'Église
Le témoignage de Papias (évêque
d'Asie Mineure, qui exerça son ministère probablement
vers 120-130 ap. JC) est composé d'un grand ouvrage en
cinq livres intitulé Exégèse des oracles
du Seigneur. Cet ouvrage a été perdu, mais
il est cité par Eusèbe de Césarée,
qui nous apprend que Papias a été en contact avec
des gens qui ont connu les apôtres. Papias écrit
que :
- Marc a accompagné Pierre, qui avait noté ce que
Jésus avait dit,
- Matthieu réunit en langue hébraïque les
dires de Jésus, puis les traduisit en grec.
De plus, Clément d'Alexandrie nous révèle
que les évangiles contenant les généalogies
de Jésus (c.-à-d. Matthieu et Luc) ont été
écrits avant celui de Marc. Voyons maintenant le témoignage
de Luc.
Le témoignage de Luc
D'après les premiers versets de son évangile,
Luc s'est basé pour l'écrire sur une minutieuse
enquête qu'il a réalisée sur le terrain,
mais aussi sur des sources écrites. Ces sources écrites
ne seraient-elles pas, entre autres, l'écrit rédigé
par Matthieu en hébreu et traduit en grec ?
Cherchons à préciser ce qu'il en est de ces sources.
Les sources de Luc, Matthieu et Marc
Si on compare les trois évangiles synoptiques,
ils ont 330 versets communs. Si on les extrait, ils forment presque
un livre cohérent ! Ces 330 versets, qu'on appelle la
triple tradition, renvoient de toute évidence à
une source écrite. Celle-ci ne serait-elle pas l'écrit
hébreu de Matthieu traduit en grec, très différent
du Matthieu actuel mais proche du Marc actuel ?
De plus, on répertorie 178 autres versets qui ne se trouvent
jamais dans Marc mais toujours uniquement dans Matthieu ou dans
Luc et qui forment des sections cohérentes.
D'où l'hypothèse de nombreux théologiens
d'un recueil très ancien de paroles de Jésus (logia).
Matthieu et Luc auraient repris cette source et l'auraient introduite
à d'autres endroits dans leurs écrits. Cette source
est appelée « source Q » (source se dit Quelle
en allemand).
Cette hypothèse se base premièrement sur le fait
qu'on a retrouvé à Nag Hamadi un évangile
de Thomas ne comportant que des paroles de Jésus. Cela
confirme bien que quelque chose de tel circulait dans les Églises.
Deuxièmement, la lettre de Jacques (qui est la première
lettre du NT et date probablement du milieu des années
40) ne mentionne pas la vie de Jésus, mais contient
beaucoup d'allusions à des paroles de Jésus (par
ex. : « Que ton oui soit oui »). Ceci suggère
l'existence de cette « source Q » dès une
date très ancienne.
En conclusion, les trois évangiles synoptiques, qui ont
été acceptés très tôt comme
liés à un apôtre (Matthieu, ou Pierre
Marc se base sur le témoignage oculaire de Pierre,
ou Paul Luc écrit sous l'autorité
de Paul) ont été constitués avec un grand
soin et sont le fruit d'une histoire. De plus, chaque évangile
a une optique particulière.
L'origine des évangiles synoptiques
À la lumière de ce que nous avons vu,
comment reconstruire l'histoire des synoptiques?
- Matthieu : Mt hébreu traduit en grec + source Q + témoignage
supplémentaire de Mt, témoin oculaire.
- Marc : Mt hébreu traduit en grec + témoignage
oculaire de Pierre.
- Luc : Mt hébreu traduit en grec + source Q + autre(s)
source(s) (livret des paraboles) + enquête sur le terrain
avec témoignages (Marie, etc.), sous l'autorité
de Paul.
A suivre
Christian BURY
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