AVRIL
2003
Le
Monde est ma Paroisse
Des
chansons à boire aux chants doxologiques
Par leurs paroles et leur musique,
John et Charles WESLEY ont l'un et l'autre beaucoup apporté
à l'hymnologie chrétienne ; leur l'influence s'est
fait sentir dans toutes les dénominations. A eux deux,
ils ont composé plus de 6500 hymnes au service du message
du salut : ce sont « les chants d'une expérience
personnelle, où l'on retrouve les étapes successives
de la repentance, la conversion, la justification, le pardon
et la sanctification dans la vie du pèlerin chrétien....
» (J.S. CURWEN, Studies in Worship-Music, Londres,
1880, p.12)
D'où
ont-ils tiré leur inspiration musicale ?
Andrew WILSON-DICKSON, auteur
de « Histoire de la musique chrétienne » (éditions
Brepols, Paris, 1994, 116 p.), estime que la communauté
morave de Herrnhutt a exercé tellement d'influence sur
John WESLEY qu'il a eu à coeur de traduire un certain
nombre de leurs cantiques et de reprendre des mélodies
allemandes jusqu'alors inconnues en Angleterre. Toujours selon
ce spécialiste, le grand compositeur HAENDEL a écrit
trois mélodies sur des textes de Charles WESLEY, de même
qu'un autre compositeur de cette époque, J.F. LAMPE.
Avec un souci majeur : faire en sorte que leurs chants soient
abordables pour tous et chantables par tout le monde. D'où
la propension des frères WESLEY d'adapter avec plaisir
des mélodies populaires de toutes origines au risque de
déplaire à la hiérarchie de l'Église,
ajoute A. WILSON-DICKSON.
Des tavernes
?
Auraient-ils pour autant basé
la mélodie de certains cantiques sur des chansons à
boire du XVIIIe siècle ? Dans leur souci d'évangéliser
l'homme de la rue, les frères WESLEY auraient-ils sanctifié
des chansons de taverne braillées par des ivrognes en
y insérant de nouveaux textes ? Leur zèle évangélique
les aurait-il poussé à faire une chose pareille
? L'idée tient-elle la route ou est-elle erronée
? Est-ce un mythe, est-ce vrai ou faux ?
L'hymnologue patenté de l'EEM, Dean Mc INTYRE, s'élève
en porte à faux contre cette thèse dans les colonnes
de deux journaux américains (The Washington Times et Christian
Times). EEMNI s'en est fait l'écho.
Mc INTYRE est formel : « L'histoire des tavernes est
un mythe. Connaissant leur sens esthétique et théologique,
il est impensable qu'ils aient pu agir ainsi. » D'après
lui, cette thèse erronée trouve son origine dans
le fait que les frères WESLEY prêchaient l'Évangile
dans des lieux publics où les gens qui avaient besoin
de Jésus avaient l'habitude de s'assembler.
On applique également cette théorie aux cantiques
du réformateur allemand Martin LUTHER. « Il y
a un peu plus de marge d'interprétation avec LUTHER »,
dit-il. « Mais les frères WESLEY n'auraient
jamais pensé à cela. »
Un malentendu
notoire
M. Mc INTYRE, fils de pasteur,
compositeur et titulaire d'un doctorat en musicologie, explique
que la légende est probablement née il y a des
générations d'un malentendu et d'une interprétation
erronée des termes « bar tune » ou
« bar form », qui font référence
au nombre de vers répétés dans un chant.
Mc INTYRE confirme que les frères WESLEY ont utilisé
le modèle de la « bar form » lorsqu'ils
ont composé nombre de leurs cantiques les plus célèbres.
Un individu ignorant les règles de la poésie médiévale
a probablement entendu le mot « bar form »
en relation avec John WESLEY et en a conclu que les oeuvres du
compositeur de cantiques étaient basées sur des
chants de tavernes. « Par ignorance, les gens ont commencé
à dire que c'était une musique de bar ou une chanson
à boire », dit M. Mc INTYRE. « Mais
si l'on étudie les notes des frères WESLEY
en marge de leurs cantiques ou de leurs préfaces, on
n'y trouve absolument aucune trace de cela. »
Une source d'inspiration
non mondaine
Mc INTYRE a confié à
« Christian Times » : « Je sens que j'ai
le devoir de mettre les choses au point. Il est simple de comprendre
comment la confusion a pu naître, dans la tête d'une
personne non informée, entre les termes " bar form
" ou " bar tune " et une chanson de bar, de gargote,
une chanson à boire ou quelque autre terme indiquant qu'il
s'agit de musique accompagnant la consommation de boissons alcooliques.
En relation avec le chant des cantiques, WESLEY exhortait les
chrétiens à " chanter spirituellement ",
une remarque qui exclut tout simplement que des paroles de cantiques
puissent être chantées sur les mélodies de
chansons à boire. Que ce soit dans des recueils de cantiques
ou dans d'autres ouvrages, on ne trouve aucune indication selon
laquelle WESLEY aurait encouragé l'utilisation de chansons
à boire pour chanter des hymnes pieux. »
Un principe
valable de nos jours
Mc INTYRE en tire la conclusion
pour aujourd'hui : si les frères WESLEY trouvaient inacceptable
la reprise de chansons à boire lors des cultes, on ne
peut guère justifier l'introduction de nos jours dans
les cultes de l'Église de styles musicaux provenant du
monde. Dès lors, demande Mc INTYRE, est-il juste «
que des chrétiens utilisent dans leur culte les musiques
qu'ils entendraient dans un bar ? Si le raisonnement de WESLEY
à l'égard des méthodistes de son temps demeure
valable pour notre temps, alors la réponse est non
», conclut Mc INTYRE.
De la souplesse,
de l'ouverture, SVP !
Dans le même article,
Mc INTYRE nuance néanmoins sa critique en avouant ne pas
avoir à titre personnel de problème avec cette
idée « de chansons à boire, pour justifier
l'utilisation actuelle de musique populaire pour atteindre nos
contemporains », dit-il.
Surtout qu'on a depuis toujours emprunté sinon imité
volontiers des airs populaires ou séculiers en vue de
modifier l'atmosphère du culte dominical ou d'attirer
des gens non intéressés par l'Église et
son message, sans faire nécessairement scandale. L'Armée
du Salut, par exemple, a excellé dans l'art d'adapter
des airs de la rue pour toucher les masses populaires d'Angleterre
et des États-Unis.
Mais les droits d'auteurs modernes ont imposé de sérieuses
restrictions à cette pratique.
C'est ainsi que l'Église Évangélique Méthodiste
avait mis les paroles d'un cantique sur une mélodie tirée
de « Edelweiss », un air composé pour
la revue musicale « The Sound of Music » de
RODGERS et HAMMERSTEIN ; les producteurs ont intenté une
action en justice pour obliger l'Église à renoncer
à utiliser cette mélodie.. « Ce que vous
pouvez faire aujourd'hui, c'est imiter un style »,
dit M. Mc INTYRE, « mais le copyright fait en sorte
qu'une oeuvre originale ne peut pas être modifiée
et cela est très bien ainsi. »
En guise de conclusion, je dirais seulement que nous ne devons
surtout pas hésiter à chanter un chant nouveau
au Seigneur en y mêlant du vieux et du moderne, en y mettant
du sien comme en s'inspirant de la culture ambiante, mais du
mieux possible, Soli Deo Gloria.
Jean-Philippe WAECHTER
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