JUIN
2002
LE MONDE
EST MA PAROISSE
Pour en appeler
à la paix les protagonistes du drame israélo-palestinien
Pour un sursaut
national et spirituel en Argentine au fond du gouffre
Déclaration
d'Aldo M. ETCHEGOYEN, évêque émérite
de l'Église Méthodiste
Lettre ouverte
de l'évêque méthodiste Nelly RITCHIE
Des voix
prophétiques se font entendre
Pour en appeler à la paix les protagonistes
du drame israélo-palestinien
Au cours des
mois écoulés, la violence n'a pas cessé
de s'étendre au Proche Orient: aux attentats suicides
répondent aussitôt des représailles. Face
à cette escalade intolérable, notre évêque
Heinrich BOLLETER lance un appel qu'il est urgent d'entendre.
L'escalade de la violence et des représailles en Palestine
et en Israël nous choque. Nous sommes bouleversés
d'apprendre le grand nombre de victimes et le grand nombre d'atteintes
à l'autonomie et à l'espace vital des Israéliens
comme des Palestiniens. En tant qu'Église Évangélique
Méthodiste en Europe du Centre et du Sud, nous plaidons
pour un départ immédiat de l'armée israélienne
des territoires occupés et pour la fin de tous les actes
de violence de la part des Palestiniens. Nous faisons appel aux
deux parties, aux Israéliens comme aux Palestiniens, pour
qu'ils brisent la spirale de la haine et de la vengeance et privilégient
la paix que Dieu veut pour tous les hommes.
Nous faisons appel aux forces politiques en Europe et dans le
monde entier pour qu'elles s'emploient d'urgence à mettre
fin à l'escalade de la violence et de la guerre en dépêchant
sur place des observateurs internationaux et des aides humanitaires
nécessaires dans cette région en crise. Au cours
de la décennie mondiale pour vaincre la violence entamée
récemment, les Églises soulignent qu'on ne résout
pas des problèmes politiques, sociaux et humains en faisant
usage de la violence, en répondant à la violence
par la violence.
En tant qu'évêque de l'EEM de l'Europe du Centre
et du Sud, j'en appelle à la prière pour la paix.
Dans les villes et les lieux d'Europe du Centre et de l'Europe
du Sud, nous devrions le faire ensemble avec les autres Églises.
Sur ce plan, nous nous savons unis avec les communautés
chrétiennes en Israël et en Palestine, qui se sont
tournées vers toutes les Églises partenaires dans
le monde en lançant un appel émouvant au soutien
dans la prière pour la paix. Notre relation particulière
avec le judaïsme et notre amour pour toutes les personnes
en Israël et en Palestine nous pressent de faire cette déclaration.
Heinrich BOLLETER, évêque de l'Église
Évangélique Méthodiste de l'Europe du Centre
et du Sud

Pour
un sursaut national et spirituel en Argentine au fond du gouffre
46 mois, voilà
46 mois que l'Argentine est en récession. Et la situation
loin de s'améliorer se détériore encore
de jour en jour. Le gouvernement n'a plus un sous et le pays
est en faillite, comme l'a déclaré le président
de la République Eduardo DUHALDE. La population survit
comme elle le peut. Les fonctionnaires n'ont pas été
payés depuis le début de l'année, les retraités
ne perçoivent plus leurs pensions, les ménagères
n'ont plus un peso pour faire leurs achats quotidiens
- les magasins sont d'ailleurs fermés, comme le marché
des changes et le marché bancaire. Dans les rues, les
rangs des protestataires enflent sans cesse. Ils réclament
la possibilité de toucher leurs économies bloquées
par le gouvernement. "Ils veulent plus d'argent qu'il
y en a dans les banques ", explique le président.
Certains déposants sont allés en justice pour récupérer
leur dû et la cour suprême leur a donné raison.
En quelques jours ce fut la ruée ; 10 milliards de peso
ont été retirés. Maintenant les caisses
sont vides et plusieurs banques ont mis la clef sous la porte.
Désespérément le gouvernement cherche un
moyen de sortir de la débâcle. Tout l'exécutif
en fait est contesté. Le départ du président
est lui aussi réclamé par la rue et par les provinces
auxquelles il demande de réduire leurs déficits
de façon on ne peut plus radicale (il parle de 60%) alors
que la crise sociale est à son comble, pour répondre
aux exigences du Fonds Monétaire International (FMI).
Le FMI demande un plan d'austérité rigoureux, un
assainissement véritable des finances comme condition
de reprise de son aide. Buenos Aires attend le versement de 9
milliards de dollars pour sortir la tête de l'eau. Mais
depuis le moratoire sur la dette décrétée
l'an dernier, une dette de 141 milliards de dollars, l'Argentine
a bien du mal à restaurer son crédit auprès
des instances internationales.
C'est dans ce contexte que les deux évêques méthodistes
du pays font entendre leur voix et précisent le sens et
l'enjeu spirituel de la grave crise que traverse le pays.

Déclaration
d'Aldo M. ETCHEGOYEN, évêque émérite
de l'Église Méthodiste
"Un plat de lentilles"
Le récit biblique nous apprend qu'Ésaü était
le fils aîné d'Isaac. Un jour, il était revenu
des champs fatigué et affamé. Son frère
Jacob avait préparé un appétissant plat
de lentilles. "Donne-moi à manger de cet excellent
plat de lentilles parce que je suis très fatigué",
l'a supplié son frère Ésaü. La réponse
n'a pas été celle attendue: "Vends-moi
d'abord ton droit d'aînesse." Ésaü
avait le choix entre deux possibilités: mourir de faim
ou continuer de jouir de son droit d'aînesse. Finalement
il s'est décidé pour le plat de lentille et le
bout de pain que lui proposait son frère. C'est comme
cela qu'il a perdu ses droits.
Toutes proportions gardées, cette vieille histoire peut
être comparée avec l'histoire de la dette extérieure
de notre cher pays au cours des trois dernières décennies.
Nos gouvernements successifs, commençant par un violent
processus militaire, ont cédé peu à peu
nos droits ainsi que nos libertés politiques en échange
de plats de lentilles que nous accordait le FMI en guise de prêt.
Le jeu s'est répété des dizaines de fois
et aujourd'hui l'empire qui nous dirige et le pouvoir économique
qui nous opprime ont décidé de dire: "Stop!
On arrête de fournir des lentilles! ... sauf s'ils obéissent
au pied de la lettre à nos recommandations.·La
faim et la marginalisation importent peu somme toute... nous
vivons une époque où les droits de l'argent piétinent
la vie"
Au-delà d'être malheureuse aux yeux de la communauté
internationale, notre histoire est très triste et douloureuse...
et peut aussi être celle d'autres nations dépendantes.
Chemin faisant, nous avons perdu nos droits économiques
et sociaux ensemble avec notre liberté de décision.
Nous savons que tout cela n'est pas un "hasard historique"
mais un plan élaboré et très bien exécuté
de l'extérieur et de l'intérieur du pays, favorisé
par la complicité et la corruption de certaines personnes
qui ont étalé et étalent encore leur pouvoir.
Quand de telles choses arrivent, la marginalisation et la famine
apparaissent.
Dans ce contexte, combien précieux sont les nombreux efforts
solidaires mettant du pain dans les mains de tellement d'enfants
pauvres! Quelle valeur a le travail d'environ 3 millions de personnes
volontaires qui, dans tout le pays, mettent à disposition
du temps et même de l'argent pour le service de tellement
de personnes nécessiteuses...
Mais d'un autre côté, quelle indignation de voir
que notre Congrès National doit obéir aux ordres
de ceux qui s'affirment abusivement et avec tant de violence
propriétaires des lentilles! Combien la douleur est vive
de voir le mur construit par les banques s'accaparant ainsi de
l'argent appartenant au peuple! Quelle indignité qu'une
fois de plus notre gouvernement se soit fait utiliser par les
mêmes oppresseurs pour punir un pays frère comme
Cuba lui imposant un contrôle au sujet des Droits de l'Homme,
alors que ces mêmes oppresseurs ne sont pas disposés
à accepter ces mêmes contrôles chez eux!
Les connaisseurs et experts en économie et politique pourront
toujours indiquer le chemin de la sortie de la crise qui sera
certainement long, mais quel que soit ce chemin, s'il n'est pas
consolidé par la vérité, la justice et l'éthique,
il ne mènera nulle part.
Pendant ce temps, nous en sommes là, sans droits et sans
lentilles...
Aldo M. ETCHEGOYEN (avril 2002)

Lettre
ouverte de l'évêque méthodiste Nelly RITCHIE
"Que se fasse
ce que Dieu veut"
Lundi 22 avril 2002, cette phrase a été prononcée
par Eduardo DUHALDE, Président de la République
en Argentine, quand il constatait que le parlement rejetait une
proposition de loi de son gouvernement. Cette loi fixait une
nouvelle échéance de 10 ans concernant la possibilité
pour les épargnants de retirer leur argent. Beaucoup de
commentateurs ont souligné le caractère liberticide
de cette loi qui aurait de plus provoqué des évasions
bancaires pour les nantis. L'évêque Méthodiste
en fonction, le pasteur Nelly RITCHIE a écrit une lettre
ouverte au Président de la République. Voici ce
qu'elle dit :
"Que se fasse ce que
Dieu veut?" Oui, ce que Dieu veut! La phrase a frappé
mes oreilles comme une tentative de réponse au manque
de réponses. Puis cette phrase a blessé mes yeux
quand je l'ai lue à la une d'un grand quotidien en tant
qu'affirmation de l'incapacité de voir et d'écouter
la clameur du peuple.
Que se fasse ce que Dieu veut. Je ne sais pas si c'est la légèreté
avec laquelle on invoque le nom de Dieu qui me fait le plus mal
ou si c'est le fait que l'on unit Dieu avec "final",
le "fatal", le " terminal ",
avec l'incapacité humaine de bien faire et pour le bien.
Voulons-nous vraiment que se fasse ce que Dieu veut? Parce que
nous savons parfaitement ce que Dieu veut!
DIEU VEUT que nous n'ayons pas d'autres dieux devant sa face.
Par conséquent DIEU NE VEUT PAS que nous déifions
le marché, ni que nous fassions un absolu de nos modèles
politiques et économiques.
DIEU VEUT que nous n'ayons pas d'idoles et que nous ne nous inclinions
pas devant elles. Par conséquent, DIEU NE VEUT PAS notre
soumission au FMI, à la Banque Mondiale, aux pouvoirs
" pantins " et aux oligarchies nationales.
DIEU VEUT que nous ne fassions pas de mauvais usage de son nom.
Par conséquent, DIEU NE VEUT PAS que nous utilisions son
nom pour dissimuler ou soumettre, pour conditionner ou limiter
des volontés.
DIEU VEUT que nous travaillions 6 jours et que nous nous reposions
le 7e. Par conséquent, DIEU NE VEUT PAS le chômage,
ni l'exploitation, ni le manque de possibilité pour créer
et re-créer, pour étudier et chercher.
DIEU VEUT que nous honorions nos parents. Par conséquent,
DIEU NE VEUT PAS que nos retraités mendient, souffrent
et mènent une vie misérable.
DIEU VEUT que nous ne commettions pas de meurtre. Par conséquent,
DIEU NE VEUT PAS la mort provoquée par la famine, le manque
d'attention médicale, la violence institutionnelle, celle
des lois injustes, ni la confrontation du pauvre avec le pauvre.
DIEU VEUT que nous ne commettions pas d'adultère. Par
conséquent, DIEU NE VEUT PAS la tromperie, l'exploitation
des personnes, la falsification de la vérité et
de la justice.
DIEU VEUT que nous ne volions pas. Par
conséquent, DIEU NE VEUT PAS le pillage systématique
des ressources du peuple, ni des ressources naturelles, ni le
vidage du pays. Il ne veut pas non plus que nous volions l'espérance
et l'avenir de nos jeunes.
DIEU VEUT que nous ne prononcions pas de faux témoignage
contre notre prochain. Par conséquent, DIEU NE VEUT PAS
de lois dissimulant l'illégitimité des avantages
dont bénéficient quelques uns au nom de tous.
DIEU VEUT que nous ne convoitions pas. Par conséquent,
DIEU NE VEUT PAS que spéculions avec la faim et les nécessités
de notre peuple, ni que nous oeuvrions de façon mesquine
pensant à notre propre bénéfice.
Voilà ce que DIEU VEUT selon sa Parole (Exode 20). Ou
encore selon les anciennes paroles du prophète Michée:
"On t'a fait connaître, ô homme, ce qui est
bien, et ce que l'Éternel demande de toi, c'est que tu
pratiques la justice, que tu aimes la miséricorde, que
tu marches humblement avec ton Dieu." Si nous voulons
connaître la volonté de Dieu, nous la trouverons
explicite dans sa Parole écrite et vécue dans la
foi par beaucoup de personnes simples et honnêtes de notre
peuple. Si nous voulons faire cette volonté, il nous faudra
la traduire en actions honnêtes, en gestes solidaires,
en lois justes, en justice transparente, en capacité de
gouverner, en construisant une société démocratique,
pluraliste et juste qui protège nos gens et notre sol.
Nous espérons qu'il en soit ainsi pour que nous récupérions
la dignité d'un peuple qui vit avec joie et liberté
sur sa terre. Que se fasse ce que Dieu veut ? Oui, que se fasse
réellement ce que Dieu veut !
Nelly RITCHIE, Évêque de l'Église Évangélique
Méthodiste Argentine.
Merci à Etienne
Rudolph pour la traduction de ces derniers textes.
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Jean-Philippe WAECHTER